par nanard » Mar 26 FĂ©v 2013 12:31
Aujourd'hui, La Foudre :
Il fut le seul de son époque à avoir eu un rôle de porte-hydravions et de "porte-avions". Explications d'une carrière un peu tourmentée.
A l'issue d'une étude, tant technique que des besoins, réalisée par le ministère et avec l'autorisation du ministre, il fut mis en chantier en 1892, aux Chantiers et Ateliers de la Gironde, toujours situés à Bordeaux, un porte-torpilleurs de 6900 tonnes devant porter le nom de La Foudre.
Lancé le 21 octobre 1895, il fut déclaré apte au service à la mer le 24 octobre 1897.
Pas rapide, même pour l'époque, 10,5 nœuds, cette vitesse de croisière était atteinte grâce à deux machines à vapeur à triple expansion, puissance passée par l'intermédiaire de deux hélices, l'autonomie étant de 7500 nautiques. Les 410 hommes d'équipage étaient défendus par sept pièces de calibre 100 mm et 4 de 47 mm, 350 mines étant disponibles.
Son service, justement, ce fut rapidement le souci. Début 1906, il est transformé en navire-atelier puis en mouilleur de mines pour arriver, en 1910, à ce que la très sérieuse Commission de la Marine militaire de l'Assemblée Nationale déclare ne plus savoir que faire de ce bateau.
EMGM décide alors de le retransformer en bâtiment d'aviation, qui, compte-tenu des options de l'époque dans la Marine, était plutôt d'hydraviation. Les aménagements consistèrent à bâtir un hangar métallique sur le pont du bateau, prenant la largeur de celui-ci pour y entreposer à l'abri 2 hydravions, installation complétée d'un mât de charge destiné à la mise à l'eau et à la récupération de la machine.
Fin juin 1912, le Voisin canard, second aéronef de la Marine et premier hydravion, acheté pour 27500 francs, est hissé à bord.
Cette nouvelle destination donnée à La Foudre ne faisait pas l'unanimité au sein de la Marine, un certain nombre d'officiers, arguant des difficultés, dont je vous parle depuis deux jours, de mise à l'eau et de récupération avec un peu de mer, situation commençant avec des creux de 40 cm dans le cas du Voisin, réclamaient la mise en place d'une plate-forme fixe permettant à des avions à roues d'atterrir et de décoller depuis le bateau. Alors qu'en haut lieu on freinait des quatre fers, arque-bouté sur l'option hydravion, le rapport annuel d'octobre 1912 du pacha de La Foudre fit l'effet d'une bombe rue Royale, visiblement toujours à la pointe de l'information.
Réitérant cette proposition de plate-forme, il ajoutait que l'envol depuis un navire était déjà résolu en Grande-Bretagne. Un an plus tôt en effet, un pilote anglais, le commandant Samson, avait effectué un décollage à partir d'un cuirassé mouillé dans l'estuaire de la Tamise, exploit aussi réalisé, encore plus tôt, le 14 octobre 1910, par le pilote américain Eugène Ely, depuis un navire de guerre aux USA.
Alors, dans ce temple de l'immobilisme, on se hâta avec lenteur, et il faudra attendre début 1914 pour voir les travaux enfin commencer aux Chantiers et Ateliers de Provence, à Marseille.
La plate-forme projetée (34,75 mètres par 8 !), sera en place en avril suivant, mais étudiée et construite de manière à lui conserver un caractère amovible, propre à satisfaire les plus réticents.
A l'aube de la première guerre, le 8 mai 1914, presque quatre ans après les américains, René Caudron lui-même réussira l'envol, depuis cette piste minuscule, avec un avion de sa fabrication, équipé d'un moteur Le Rhône de seulement 80 chevaux.
Pour mieux situer et saluer cette performance, je rappelle l’inexistence de la catapulte à cette date, seule la "puissance" de la machine permettant un tel exploit.
La situation internationale aurait dû justifier une intensification des expériences, un décollage raté, sans dégâts, pour le pilote comme pour la machine, le 9 juin 1914 justifia... son démontage immédiat et définitif. Si, sans doute la proximité du conflit modifia quelque peu la rigidité administrative régissant ce bateau, il n'en reste pas moins vrai que même devenu bâtiment annexe de la base de Fréjus-Saint-Raphaël toute récente, le pacha gardait autorité administrative sur celle-ci, son second assumant la responsabilité des avions, de leurs pilotes et du personnel spécialisé non volant de la base.
Ces règles supposaient la présence constante du bateau à proximité de Fréjus, en fait, il sillonnait la Méditerranée jusqu'à Port-Saïd. A une époque où le pigeon voyageur était le moyen de communication le plus évolué, cela laissait bien augurer de la façon dont les dossiers pouvaient être traités.
Du fait de ce démontage impromptu de la plate-forme, la Foudre n'aura, durant toute la guerre qu'un rôle de transporteur d'avions, de deux avions, tandis que, comme l'expliquait Pingouin, les Anglais abordaient déjà résolument le chapitre P.A. A la fin du conflit, et avec la programmation du Béarn, puis, celle plus lointaine du commandant Teste, il n'eut plus de grande activité, avant d'être désarmé en 1921 et vendu pour ferraillage, par adjudication, le 27 mai 1922.
Longueur 118,70 m
Largeur 17,20 m
Tirant d'eau 7,20 m
Déplacement 6900 tonnes
Puissance 2 x 11 800 ch.
Vitesse maximale 19,6 noeuds