En 1949 la France et sa Marine en particulier souhaitait disposer de quatre porte-avions de 20 000 tonnes, afin de pouvoir maintenir constamment à la mer deux de ces bâtiments, le nombre de ces unités fut même porté à six, lors des discussions sur le projet des forces navales en Août 1949 par l’Etat Major de la Marine Nationale, ce nombre peut paraître aujourd’hui totalement décalé, mais il faut savoir qu’à cette époque la France devait pouvoir fournir à l’OTAN en cas de conflit majeur (ndlr : attaque Soviétique majeur) un porte-avions au jour J, deux à J +30 et enfin trois porte-avions à J +180.
En 1953, la France dut se rendre à l'évidence, elle ne pouvait pas construire et maintenir en service opérationnel un aussi grand nombre de porte-avions, dont deux auraient dut être constamment au service de l'OTAN. Le nombre fut donc ramené à trois unités.
Les deux premiers bâtiments furent budgétés en tant que PA-54 et 55 qui allait devenir respectivement le Clemenceau et le Foch.
Le troisième bâtiment désigné PA-58 devait être inscrit sur le budget de 1958, mais les finances n'étant pas au rendez-vous, le programme fut reporté à l'année suivante.
La Marine Nationale voulu alors utiliser ce retard, pour modifié le porte-avions en demandant un bâtiment de 35 000 tonnes capable d'embarquer des bombardiers nucléaires stratégiques.
Désigné PA-59 (en rapport avec son année budgétaire), ce porte-avions devait également bénéficier de toutes les installations nécessaires au stockage et mise en œuvre de la bombe nucléaire.
Cette demande de capacité nucléaire des porte-avions de la Marine (le Clem et le Foch devaient également avoir cette capacité) provoqua une véritable "guerre" entre la Marine et l'Armée de l'Air.
Cette dernière était à l'époque la seule à disposer de cette capacité, tant en pour les armes que pour les vecteurs et, bien entendu, l'Armée de l'Air ne souhaitait absolument pas partager ce "gateau nucléaire" avec sa sœur ennemie, la Marine Nationale.
L'Armée de l'Air obtint gain de cause en Octobre 1956 avec la parution d'une directive ministérielle qui définissait qu'elle était la seule à disposer du droit de frappe atomique...
Prérogative qui sera abrogé sept mois plus tard, au profit de la Marine qui bénéficia alors de ce même droit....
Ambiance, ambiance...
Le PA-59 alors baptisé Verdun se retrouva donc au cœur de cette bataille des généraux et amiraux de la place parisienne, du fait qu'il devait être doté d'une flottille de bombardement nucléaire.
Pour ne rien arranger, les finances de l’Hexagone ne s'améliorait pas.
Le 6 Mai 1958, le secrétaire d'état de la Marine, Alain Poher, mis le dossier en sommeil et renvoyé au plan de programmation militaire de 1960/64.
Le "Verdun" devait afficher un déplacement en charge de 45 000 tonnes pour une vitesse maximum de 34 nœuds, avec un pont d'envol de 280 mètres, un pont oblique à 8° sur babord d'une longueur de 192 mètres.
Contrairement aux Clemenceau et Foch, le Verdun aurait disposé de deux ascenseurs latéraux, mais pas d’ascenseur central avant comme ces deux porte-avions.
Afin de pouvoir accueillir des bombardiers nucléaires embarqués de la classe des 20 tonnes, le Verdun devait être doté d'au moins une catapulte de 100 mètres et une de 75 mètres sur la piste oblique.
L'armement du Verdun fut étudié en 1957 et revu trois fois pour aboutir le 7 Octobre à huit tourelles de 100 mm, de deux postes de tir mer-air Masurca, et deux postes de tir ASM Malafon.
Le groupe aérien devait être constitué d'une flottille de chasse tout temps, d'une flottille de bombardier nucléaire et d'une de lutte ASM.
Le programme du groupe aérien du Verdun comportait également le projet CB-62 de bombardier nucléaire naval.
Plusieurs avionneurs proposèrent des projets ou aéronefs en cours de développement dont on peut citer:
-Le Mirage IV-M, une version monoplace à l'envergure réduite du Mirage IV-A
-Le SO-4060 Super-Vautour, concurrent malheureux du Mirage IV
-Le Mirage III Naval pour la version de chasse.
-Le Bréguet 1120
-Diverses versions du Mirage F-1 et du Mirage G8 à géométrie variable
-Le Jaguar Marine
-Le Bréguet 1050 Alizé
-Le Dassault Etendard IVM
Avec la loi de programmation de 1960/64, la mise en chantier du Verdun était prévu pour 1962, avec une mise en service en 1971.
Le projet est finalement définitivement annulé en 1971 pour raison budgétaire. Avec la fin de ce programme, le projet CB62 de bombardier nucléaire naval fut également arrêté, la Marine ayant entre-temps réorienté sa capacité nucléaire vers les sous-marins nucléaire lanceurs d'engins (SNLE)
Le PA-59 Verdun en chiffres:
Longueur: 286,3 m
Maître-bau: 58 m hors-tout
Déplacement: 45 000 t à pleine charge
Propulsion: turbines Ă vapeur de 15 MW avec quatre lignes d'arbre.
Vitesse maximum: 33 nœuds
Armement:
2x systèmes de missiles mer-air Masurca
2x systèmes de missiles ASM Malafon
8x canons de 100 mm AA Mle 53