Située sur le plateau du Tadla, à environ 100 km de Casablanca à 800m d’altitude, surnommé rapidement le plateau de la soif par les marins, à proximité d’un centre d’extraction de phosphates, la base commence à être édifiée à partir de 1942. En 1943, toujours en cours d’installation, elle abrite une première école de mécaniciens et d’armuriers, elle est officiellement crée en janvier 1944. Au premier trimestre 1945 elle assure le soutien de l’escadrille 51S, Ecole de pilotage de début, puis de 1948 à 1957, de la 52S, Ecole de perfectionnement monomoteur. Egalement de la 57S, Ecole de chasse, de 1954 à 1960. Elle ferme ses portes le 31 mai 1961.
Début 1945, encore simple candidat bébé pingouin à peine revêtu d’un simple duvet, j’arrive sur la base en provenance d’Agadir, en compagnie d’une dizaine d’autres frères de couvée, détachés là en attente de départ pour les cours en GB. La base est encore en pleins travaux et s’organise pour devenir école de pilotage, les seuls avions présents sont seulement deux Caudron Goéland de liaisons. Nous faisons des tâches diverses, pas forcément en rapport avec nos spécialités futures mais plutôt avec nos aptitudes, vu mes antécédents civils dans le dessin industriel, je suis désigné pour travailler avec l’Ingénieur mécanicien, afin d’effectuer des plans concernant l’aménagement des hangars.
La guerre n'est pas finie, au même titre qu'en métropole, où des prisonniers allemands font des corvées depuis la Libération, à Khouribga certains travaux sont assurés par des prisonniers italiens, entre autres occupations, ils nous servent à table ! Finis la gamelle et le bidon et le lavage de bancs et tables,à la brique et au sable ... c’est vraiment exceptionnel pour nous matelots sans spécialité normalement corvéables à merci. Plus âgés que nous, ça va sans dire, les Italiens sont assez habiles et pour se faire un peu d’argent, ils fabriquent des briquets à essence avec des bouts de dural récupérés au parc à ferraille...( je ne saurais dire aujourd’hui où ils se procuraient les molettes striées en acier ? ) Nous découvrons l’essence avion 130/145, la belle bleue, idéale et sans odeur, pour nettoyer les bleus de drap par trempage direct dans le fût de 200l. Inconsciente rétrospective …
Nous allons souvent au village de Khouribga à pied à travers champs … Le samedi soir on peut danser et boire un pot au cercle de l’OCP (Office Chérifien des Phosphates ) où beaucoup de familles européennes travaillent. C’est assez difficile de lier connaissance avec les filles qui sont étroitement surveillées par les pieds noirs du coin, faut les comprendre, quelques bagarres éclatent parfois.
Début mai, l’Ingénieur mécanicien, c'est là que j'apprend que c'est un "Inge’mec", content de mon boulot, me propose un vol sur Goéland, c’est mon baptême de l’air ! Je garde le souvenir de ces premières sensations de vol, nouvelles pour moi, et de l’odeur sèche d’essence brûlée qui flotte dans la carlingue de l’avion.
De 1950 à 1955 je suis revenu à plusieurs reprises sur la base, alors pourvu de mes belles plumes, soit en Bloch 175, en Wellington ou en Goéland, ce qui me donnait l’occasion d’étancher ma soif avec un copain mécano moteur, souvenirs communs et pas mal de photos de l’époque. L'époque des pilotes Vin rouge , appellation donnée aux pilotes formés à KBGA, par opposition aux pilotes Coca-Cola formés alors aux U.S.A.
A suivre, galerie de photos, depuis pas mal de temps dans ma collection personnelle.
